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Aphorismes



Si Dieu n'avait qu'une stratégie pour s'emparer de l'humanité, Il échouerait. Mais il exalte certains vers l'intelligence jusqu'à ce qu'ils s'en remettent au grand Principe, il en enivre d'autres de sensations jusqu'à ce qu'ils ne vivent plus que pour la saveur infinie de l'être, Il apprivoise certains par la souffrance jusqu'à ce qu'ils s'en libèrent dans le Soi, il rend amoureux de l'amour de petites multitudes jusqu'à ce qu'elles se lassent de l'amour humain, trop précis, trop rapide, et aussi traître qu'un prédateur à l'affût. Il tire vers Lui l'humanité sans qu'elle s'en rende compte, pour qu'elle s'imagine être libre, mais Dieu est déjà le possesseur de chacun, car rien n'existe hors de lui. Nous croyons aller vers Lui, alors que c'est Lui qui décide de chacun de nos pas. Notre esprit déguise ce fait, pour se sentir libre et comparer des chemins. Quand nous en aurons assez des mascarades, nous verrons dans le rire de l'enfant une joie supérieure au goût du Brahman, et nous nous moquerons avec compassion des vieillards se vantant d'être l'absolu, dans un corps perclus de rhumatismes et de souffrances. Nous entendrons l'heure de Dieu, et transformer la vie deviendra le dharma de chacun, la nature se rendra aux nouveaux décrets et la haine rendra les armes. Nous tairons le nom de Dieu, et nous les connaîtrons tous. Ils déguisaient ses œuvres et Son intention ultime, surgir de la matière, installer l'Eternel dans la vie. Le long pèlerinage ne fait que commencer, chaque achèvement de l'Histoire rend plus propice le dévoilement de Dieu sur terre. Laissons s'effondrer ce qui ne peut durer, c'est par là que l'Eternel perce des brèches dans le cœur de l'Homme pour s'y manifester.

Parce qu'ils se sont affranchis du devenir, les maîtres du Soi se gaussent du bengali réfugié à Pondichéry. Ils l'imaginent aux prises avec les rêts du temps, sous la coupe de Maya, et un peu stupide, attaché aux constructions de l'esprit pêchant l'avenir comme un gros poisson. La vie ne peut pas changer, abandonnons-là à son sort, soliloquent-ils en silence, laissons-la sous la maîtrise des dieux et en proie au chaos du même devenir cyclique. Ils se vantent de s'être libérés de Kali, de Shiva et du Christ, d'avoir terrassé le désir et la peur, et ils nagent dans le silence intemporel, saouls de l'absolu. Je les laisse à leur ivresse bien méritée, comme un soldat rescapé se requinque dans les bras d'une femme vénale. Quand ils reviendront, Je les harponnerai avec des extases inouïes, comme un vieil esquimau habile sacrifie un phoque pour survivre, et Je leur demanderai d'agir pour Moi. Certains se soumettront, d'autres non, le projet continuera dans l'efflorescence infinie des possibles et rien ne pourra plus l'arrêter.

Cesse de te mortifier, et rejette toute culpabilité si tu M'aimes. Tes scrupules M'honorent, mais tes faux pas te rassurent sur ta liberté, et ils sont donc les bienvenus. Je ne demande pas une obéissance aveugle, et mes stratégies ne sont pas militaires. Je Te le dis à toi seul, il faut que les hommes me fuient pour que je puisse Me manifester, car je ne leur impose rien, et j'attends donc éternellement le retour des âmes qui veulent revenir à Moi, après s'être servi de la Nature pour accéder à l'existence. Quand l'être fond sur l'homme, il le repère de très haut, comme un oiseau de proie visant un lapin, et il s'abat sur lui, le forçant à abandonner l'envoûtement de la nature. La proie se débat un peu, la discipline fait souffrir en vue d'un plus grand bien, enfin le ciel se déchire, et l'être surgit dans l'animal pensant. C'est déjà un premier pas. J'attends que s'estompe l'éblouissement de l'Absolu, et les éveillés viendront vers Moi, sans rechigner, même si Je leur impose des parcours drastiques. La vie en eux reconnaîtra mon Pouvoir, et leur Soi se soumettra à leur corps vibrant à la vitesse éternelle, pour ne faire plus qu'Un.

Tu peux te moquer de mon avenir divin, sous prétexte qu'il n'est que du devenir et que tu y as échappé, installé dans l'intemporel et dans l'Impersonnel. Mais imagine seulement que mon avenir soit simplement du présent un peu en retard, et qu'il aura donc lieu, et te voilà prêt à abandonner Ramana et Bouddha pour Krishna, et voir en Sri Aurobindo le dépositaire des Rishis, continuant leur œuvre après un long répit. Tu peux te repaître d'absolu et prétendre même l'être, mais tu parles dans ton corps, et quoi que tu en dises, c'est encore là que tu résides. Si Je veux changer la vie, Je le ferai, quitte à ce que les hommes se lassent du Soi rapidement, et qu'ils ne considèrent l'illumination que tel un préambule. En regardant loin en avant, Je te promets que la vie sera rachetée, et que Bouddha apparaîtra comme un fuyard, excusé il est vrai par Mon absence. Mais il n'est plus la peine de se venger de mon départ en préférant l'extinction. Je suis revenu, et utilise qui bon me semble. Tu ne les reconnaîtras pas en te fiant à un modèle. Certains seront forts, d'autres faibles, certains seront ouverts comme de jeunes enfants, d'autres fermés comme des sages solitaires brûlant comme une étoile, mais les uns et les autres auront poussé leur caractère jusqu'à ce qu'il épouse parfaitement une des grandes lignes de la Manifestation. Je place mes veilleurs un peu partout, car la vie M'appartient autant que l'absolu, la terre M'appartient autant que le ciel, en dépit des légendes obscures. Traîne en chemin si bon te semble, et choisis tes prétextes avec soin pour éprouver ta liberté. Je ne suis pas pressé de Te retrouver. Sans toi, je suis le même.

Tant que tu ne béniras pas l'accident et l'offense, tu seras en porte-à-faux avec Moi, et tu te priveras de coïncider avec Mon œuvre. Qui es-tu pour juger de l'injustice d'une mort malchanceuse et innocente, sinon un enfant réclamant un jouet ? Rien de ce qui existe n'est fait pour te complaire ou te décevoir, tu n'as aucun droit sur le hasard. Je t'ai donné la jouissance de l'existence et tu en fais même ce que tu veux, à toi de te débrouiller avec les conséquences de tes actes. Je ne cherche ni à châtier ni à récompenser. Mais ne te permets pas de m'accuser de tes infortunes, ou alors accepte que cela M'éloigne de toi. Et ne m'adore pas hypocritement, comme un courtisant flatte son roi, dans l'attente d'un fief. Tu es libre, et libre de te soumettre. Mon joug ne s'abat que sur ceux qui le décident. Et la musique existe sans instruments, dans le flot du ruisseau, dans le vent dans les bambous, dans le sifflement ténu du néant sidéral. Tous les hommes qui s'imaginent que J'ai besoin d'eux finissent par jouer faux ma symphonie, et font du mal en abusant de la parole. Sans l'humilité, tu n'arriveras à rien, et Je ne peux pas te l'offrir si tu ne M'aimes pas. Où as-tu vu que quiconque m'ait jamais berné? Mais les hommes s'y emploient avec ferveur, car c'est un jeu passionnant, peut-être le plus enivrant de tous.

Il n'y a qu'un seul chemin, et des milliers d'itinéraires, tu peux te rendre où tu veux en passant par d'innombrables directions et détours. Mais si jamais La Mecque, Jérusalem, Lhassa et Benarès constituaient la même ville, tu t'épargnerais de nombreux voyages, et des comparaisons futiles. Je l'ai déjà dit il y a longtemps, au sein du peuple qui me chérit le plus, mais la formule semblait trop vague, et l'on a préféré des considérations accessoires.Prends refuge en Moi seul veut bien dire que tu peux Me connaître avant de Me connaître, comme l'amant peut aimer sa bien-aimée avant de la posséder. Si tu redoutes de te tromper de chemin, donne-toi à Moi et je le tracerai pour toi. Ne trouve pas facile que je te guide avant d'avoir terrassé l'orgueil de ta liberté, car souvent tu dévieras de la route que je veux pour toi, et Je l'accepte. Nul ne peut reprocher au pilote de s'égarer dans la tempête.

Je suis déjà dans ton mental, comme la nature est dans ton désir, et la mort dans ton corps. Depuis des milliers d'années, ces trois juridictions se combattent en toi, et les meilleurs en ont tiré la théorie des guna. De la même manière qu'il faut venir à bout du désir pour maîtriser la nature, il est nécessaire d'aller au bout du mental pour Me connaître. Le chemin est long et les raccourcis sont trompeurs, sauf pour ceux qui ont de bonnes raisons de Me rejoindre. Pour ceux-là, les pièges sont des opportunités. La luxure a lavé du désir Saint-François et Sakyamuni, de nombreux empereurs ont trouvé le pouvoir fade après l'avoir exercé, et se sont tournés vers Moi comme des enfants. Certains épuisent même les honneurs et les richesses, et saturés de satisfactions, il ne leur reste plus qu'une sorte de but, marcher vers Moi, à tâtons, là où la réussite dépend de tout l'univers, et non seulement de l'habileté. Je récupère les champions des petites choses, et les amoureux des grandes. Il faut s'attacher à la médiocrité pour se passer de Moi, et Je ne peux rien contre cette loi de l'ignorance. Chacun sait qu'une distance énorme sépare chaque étoile de toutes les autres, et Je ne cherche pas le rendement.

Même si la Terre ne devait donner le jour qu'à un seul de Mes connaisseurs, le travail de la Nature serait amplement justifié. A moins que tu ne veuilles prévoir le passé, attends-toi à ce que même les vérités spirituelles changent. On regardera bientôt les Anciens comme de simples débutants, et des hommes nouveaux parleront en Mon nom sans en faire toute une histoire. Tant que mes thuriféraires me mystifieront, je resterai inaccessible ou presque. J'attends ceux qui pourront parler de Moi sans se faire valoir pour autant, car l'homme est fatigué de l'autorité, et tant qu'on prétendra qu'il faut Me rejoindre, les hommes vrais et libres se détourneront.

Parfois les hommes pensent sans retenue et établissent un système. Ils créent des sectes et des doctrines qui dévient le cours des choses. Et il n'est pas rare que, quand ces âmes reviennent, elles soient manipulées et deviennent l'esclave de la théorie qu'elles avaient créée au cours d'un autre passage. Ce qu'engendrent ensemble l'orgueil et la pensée poursuit longtemps son créateur, et rebondit d'une existence à une autre. Si nos actes ne dépassaient pas nos intentions, tout serait facile, mais les conséquences s'approprient des terrains inconnus, et le mal surgit du bien, le mensonge de la vérité. Agir sans nuire est un art difficile, et renoncer à l'action, sans l'aide de la connaissance, ne mène à rien. Voilà pourquoi certains ont toujours pensé que la Manifestation était un piège, et qu'ils ont voulu en sortir. Mais il vaut mieux tenter de la sauver que de l'abandonner à la Nature, car le Mental n'a pas de limites et s'ouvre vers Moi.

Beaucoup te diront qu'ils connaissent Dieu, sans t'avouer qu'ils n'en voient qu'une partie, et tu pourras donc hésiter entre différents maîtres. Un morceau de Dieu est déjà si vaste qu'on s'imagine aisément que cela constitue la totalité. C'est la trace du singe et la mémoire de la matière qui font croire au sage que le Brahman est l'ultime porte et au saint que le Père est l'unique source. Mais pour changer la terre, le connaisseur aura besoin de connaître de Dieu une multitude d'aspects, et cela lui donnera la force de supporter son travail d'Ulysse. Car si tu ne trouves pas la Mère des mondes pour soutenir ton action, tu ne renverseras pas l'ordre des choses, et tes paroles feront des ricochets sur le miroir liquide de l'illusion nouvelle. Le Soi n'est pas suffisant, mais avec le Seigneur, tu trouveras le soutien du Suprême pour transformer ce qui normalement ne peut l'être. Le Divin a déclaré la guerre à la mort, qui encadre la vie. La bataille ne fait que commencer, et elle doit durer des millénaires, pourvu que l'homme survive à ses propres passions morbides. Connais-tu un projet plus exaltant ? Cesse de poursuivre la chimère de l'illumination si tu veux Me servir. C'est une récompense que je réserve à ceux qui en sont détachés, et choisissent que la terre soit autant mon terrain de jeux que le ciel.

Tous les hommes supérieurs qui établissent des règlements s'en félicitent en y dérogeant, alors qu'ils ne tolèrent pas des autres une seule exception à la règle. Depuis que j'ai vu cela, J'enjoins à mes serviteurs de ne jamais se féliciter de leurs œuvres, sinon ils se permettent des écarts, comme des récompenses, et finissent par pervertir ce qu'ils ont créé. Ne t'empare jamais de ce que tu fais pour Moi, ou accepte que Je me retire le temps que tu comprennes la leçon.

La souffrance est le prix à payer pour l'existence, et chaque vie est pleine de satisfactions. L'homme naturel n'a pas besoin de Moi, et sa vie est bien remplie, tandis que la nature se tourne vers Moi, quand la satiété lui ouvre d'autres horizons, et élargit la faim aux dimensions du ciel. Aussi toutes les existences sont-elles déjà divines parce que Je les soutiens, même chez ceux qui l'ignorent. Puis l'appel du feu fait passer de puissance en acte ce qui pourrait dormir à jamais. Et nul n'a jamais réglementé cet appel. Même les grands hommes ont fait des erreurs pour orienter. Tu n'as pas besoin de Jésus pour être sauvé, ni de Bouddha pour abolir la souffrance, ni de Sankara pour te libérer de l'illusion.

Prends chez chacun ce qui ne bride pas ton expérience, le pardon, le détachement et l'amour de l'Esprit, et ainsi tu resteras libre en faisant tiennes les stratégies passives, car ni agir ni omettre ne mènent à Moi. Mais pour recevoir le don et l'indice du chemin, tu dois recevoir avec la même gratitude l'offense et la douleur, et c'est là que la Loi décime les rangs de ceux qui prétendent M'aimer ou Me servir. Evite toutes les batailles que tu peux par l'amour, mais certaines sont inévitables, car des forces guettent ton passage vers Moi, et chercheront à détourner ta route.

 
Demande à Dieu à quel moment Il se manifestera, comme si tu voulais savoir la date. Dieu te répondra seulement « en temps voulu ». Si cela te chagrine, c'est que la conscience n'est pour toi qu'un jouet. Si cela te convient, c'est que Kala a relâché sa mâchoire, et que tu n'as plus peur de ses dents.


La plupart des hommes ne cherchent la vérité que pour en espérer une illusion supérieure, que Dieu leur permette de briller aux yeux de tous en prêchant sa parole, à moins qu'ils ne s'imaginent que le Sens leur appartient pour pavoiser dans des rêves éblouissants. Le ciel tardant à s'ouvrir, ils abandonnent et espèrent du hasard un coup de main. La chance venant à manquer, le but se dérobant, ils en reviennent aux écritures stériles et tristes ou à une liberté entêtante et sans lendemain, et abandonnent leurs prétentions. Leurs âmes se mettront à la tâche dans une autre existence, répétant les mêmes erreurs jusqu'à ce qu'elles finissent par être foudroyées par l'humilité. Dès qu'ils auront renoncé à voler au ciel son secret, les passagers de la vie verront que l'effacement est la seule affirmation qui attire l'Infini. Ils parviendront à soustraire tandis que le monde se liguera pour qu'ils additionnent et multiplient, et ils se rempliront ainsi en se vidant, à l'encontre de tous.


C'est ce secret dont personne ne veut, — perdre pour gagner. Tue le savoir qui interprète et, innocent, absorbe le mystère sans juger, avance vers lui sans calcul, jusqu'à ce qu'il devienne semblable à toi-même, une simple présence qui reçoit la Présence. Tu saisiras bientôt les opposés à leur source commune, et tu triompheras sans t'approprier la moindre victoire, chaque terme annonçant un commencement. Soustraire le superflu, voilà la clef, et il se déguise en nécessaire, comme une passion mime l'amour pour te livrer aux griffes splendides de la nature, qui réveillent ton âme assoupie au risque de l'enivrer et de la perdre.


Toutes les images que tu te fais du Divin ne te Le donneront pas, et s'Il se donne à toi, Il t'enverra au-delà de tes fins, et tu ne pourras jouir de Lui autant que tu l'escomptais. Les meilleurs prophètes te sembleront des enfants capricieux, les sages des voyageurs somnolents, les saints te sembleront des fuyards. Tu connais mon décret, et si tu échouais, quelle importance ! Ne force l'impossible qu'à ta propre mesure, soumettre le temps est une œuvre de longue haleine, ne redoute pas l'échec et ne t'attaches pas à réussir. Ne t'en veuille pas d'être imparfait et laisse-Moi agir en toi.


Percer à jour le Mensonge est un défi permanent, et l'art de la guerre que J'ai choisi pour toi. L'homme a toujours préféré les belles apparences — aussi trompeuses soient-elles, aux vérités désobligeantes qui sont l'âme du vrai devenir. Consentir au Vrai demeure longtemps douloureux pour la nature et le mental, et cependant c'est le seul chemin qui mène à Moi.